architecture Sauvage

 

circuit non-professionnel, originalité, expérimentations techniques et sociales, secteur informel… Voici,
 
 
 

l’architecture Sauvage

 

Innovation technique et sociale pour démocratiser les habitats vertueux

 

Il y a là entre les haies de ce bocage atlantique, juste entre le ciel, la boue et les cabanes, simplement l’espoir de renouer avec les évidences et les joies vigoureuses de l’enfance, compagnes toujours dignes et indomptables de la vie libre. Christophe Laurens, le métier de vivre.

 
Le sauvage est d’abord le fantasme de l’absolument « autre », de la transgression. Etymologiquement, le sauvage est celui qui habite la forêt, à la lisière entre le monde de l’homme et celui de l’animal. Il semble indifférent aux progrès techniques et ne travaille pas à constituer des empires ou toutes autres formes étendues d’organisation, au delà de la famille et du clan. Ces manières de vivre, de croire ou de penser qui nous paraissent étranges remettent surtout en cause la nécessité de nos propres conceptions.

L’architecture sauvage fait référence à des édifices ignorant les règles, normes, et savoir faire établis et imposés, autant dans leur conception propre et les principes constructifs mis en œuvre que dans leur implantation : Des constructions sans architecte, ni urbaniste, sans maçon ni charpentier, sans même utiliser les matériaux conventionnels. La porte est ouverte à toutes les expérimentations, réutilisation et recyclage des matériaux les plus improbables, valorisation des déchets industriels, mise en œuvre de matériaux brut directement collectée dans la nature…

Du quartier urbain de Christiania, à Copenhague, à la jungle de Calais, en passant par les ZAD, plus rurales, telle Notre Dame des Landes, ou par de nombreux bidonvilles périurbains, les expériences remettent en cause l’art de construire. Mais dans des contextes et selon des dynamiques extrêmement variées, elles remettent surtout en cause l’art d’habiter et du vivre ensemble. L’architecture sauvage marque d’abord la revendication de l’appropriation d’un lieu, non pas technique par le fait de le construire, mais sociale et culturelle, par le fait de le vivre, de l’occuper. C’est le projet d’une communauté pour un lieu, au-delà de toute entrave ; une pensée du monde tel qu’on le souhaite.

En 2010, Jean-Pierre Loubes, architecte, anthropologue et universitaire, propose une approche conceptuelle de l’architecture sauvage basée sur les archétypes de la cabane et du bidonville. En réaction à la conception étroite d’un habitat réduit à la satisfaction de fonctions basiques (s’abriter, se nourrir, travailler et se reproduire) qui a mené à l’incapacité de nos sociétés occidentales à accueillir et loger dignement tout le monde, il invoque les dimensions anthropologiques, symboliques, culturelles et écologiques. Ce soucier du monde, penser le lieu, vivre avec les autres, revenir à soi, pour construire juste.

La déprofessionnalisation des filières de construction, la prise en compte de l’environnement, du lieu et de la communauté qui veut y vivre, non comme contraintes mais comme piliers porteurs du projet, la mise en œuvre de la créativité de chacun, sont les clés pour appréhender à l’échelle du globe le logement de près de 8 milliards d’individus, là où ont échoué institutions publiques et grandes agences d’architecture.

En auto-construisant pour son propre usage, loin de toute préoccupation mercantile, l’architecture sauvage est par essence une architecture vernaculaire. Mais quand la seconde s’enracine dans l’histoire et s’appui sur des savoir-faire ancestraux, la première s’inscrit dans l’expérimentation, la débrouillardise, l’économie de moyens ; faire au mieux avec peu.

S’inspirer de l’architecture sauvage, aujourd’hui en Corrèze, c’est se donner la liberté de construire la maison qui nous va bien, retrouver le souffle poétique qui portait l’acte de bâtir, lorsqu’enfant nous échafaudions notre première cabane. C’est être ouvert à la découverte de possibilités, d’expérimentation, sortir des sentiers trop jalonnés. C’est aussi redonner du sens au voisinage, au paysage, aller à l’envers d’un tout urbain. C’est surtout, construire au plus juste, sobrement, avec nos moyens, sans rentrer dans le jeu des banques et des assurances.

 

Les grands textes

Jean-Paul Loubes, Traité d’architecture sauvage, manifeste pour une architecture située, éditions du Sextant, Paris 2010, 171 pp.

Cyrille Weiner, Christophe Laurens, Jade Lindgaard, Patrick Bouchain, Notre-Dame-des-Landes ou le métier de vivre, édition Loco, 2018, 224 pages, environ 100 reproductions couleur et noir et blanc.

Franco La Cecla, Contre l’architecture, 2008, publié en France en 2010, édition arléa, 190 pp.

Henri-David Thoreau, Walden ou la vie dans les bois, 1854, 1922 pour la première version française, rééditer en 2017 par les éditions Gallmeister, 400 pp.

Collectif Comm’un, Habiter en lutte, 40 ans de résistance, éditions le Passager clandestin, mars 2019,256 pp. https://reporterre.net/Quand-habiter-est-inseparable-de-lutter

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